Un changement historique du métier d’enseignant

 Depuis plus de 15 ans, un changement sans précédent du métier d’enseignant est à l’œuvre. Il résulte des préconisations libérales qui n’ont de cesse de démanteler le système public d’éducation pour le livrer sans vergogne aux appétits privés. Les vœux du président-candidat Sarkozy à la communauté éducative du 5 janvier 2012 à Poitiers témoignent d’une accélération fulgurante. Le triptyque autorité, autonomie et flexibilité est convié à cet effet.

Comme pour l’université avec la LRU, l’autonomie serait donc la solution idéale permettant de résoudre les problèmes pour tous et partout. Si le système éducatif fonctionne mal, c’est qu’il n’est pas assez autonome. Mais l’autonomie ne doit pas être réduite qu’à sa seule dimension budgétaire. C’est un processus permettant certes la mise sous coupe financière mais aussi intellectuelle de la sphère éducative et l’accroissement des inégalités avec une école à plusieurs vitesses. Après l’université, au tour des autres cycles de l’éducation nationale d’être pris comme cible.

La restauration de l’autorité des maîtres dans l’école publique passe pour Nicolas Sarkozy par la copie du modèle de l’école privée où ce sont les équipes dirigeantes qui choisissent leurs enseignants. Cette autonomie n’est plus ni moins qu’un chantage pervers envers la communauté éducative : elle doit obéir, sinon c’est la porte. C’est là clairement un dévoiement pernicieux du mode managérial ouvrant la voie au règne des petits chefs.

Plusieurs universités sont passées sous la tutelle du rectorat après avoir vu leurs budgets en déficit. C’est la réalité de la LRU et de l’autonomie. Pour les collèges et les lycées, l’autonomie se traduira par des changements destructeurs sans précédent. Les plus riches établissements des centres-villes seront les gagnants de la mise en concurrence. Ils se développeront en attirant des enseignants qui accepteront toutes les conditions de travail : mise sous tutelle des pratiques et des contenus pédagogiques, modulations du service,  changement de la matière enseignée etc. Dans le même temps, lycées et collèges des secteurs populaires verront partir leurs enseignants et leur budget, prélude pour certains d’entre eux à leur fermeture.

L’autonomie financière va de pair avec le désengagement de l’État ; elle constitue une entreprise de destruction des libertés pédagogiques et de démantèlement des cadres réglementaires, en terme de recrutement ou de diplômes. Le but est clair : casser tous les cadres nationaux qui garantissent le maintien d’égalité et démanteler par la même occasion les statuts des personnels.

Les enseignants exercent un métier d’intellectuel se situant au cœur de la construction des processus d’apprentissage. L’exigence d’un master 2 pour enseigner aurait pu signifier une volonté d’élévation du niveau disciplinaire et de qualification. Or ce fut un marché de dupe ! La casse de la formation d’enseignants jetés, sans expérience, sur le terrain a mis un coup d’arrêt brutal aux rêves de nombreuses vocations !

Le développement de l’émancipation intellectuelle doit être le garant de la conception de cours en toute liberté pédagogique. C’est pourquoi les contenus des masters d’enseignement doivent être en prise directe avec la recherche universitaire, posséder un contenu disciplinaire fort et une formation contextualisée indispensable à la mise en pratique de savoirs théoriques. Mais c’est le contraire qui est visé : l’enseignant est progressivement amené, contre sa volonté, au rang de prestataire de service devant utiliser des mallettes pédagogiques toutes faites et vendues à prix d’or par des entreprises privées et l’avalanche des réformes au lycée conduisent au final à déstabiliser les équipes pédagogiques et à casser le moral des enseignants. C’est un véritable travail de sape pour dévaloriser le métier d’enseignant.

A travers ce bouleversement radical du métier d’enseignant et des missions dévolues à l’école de la République, c’est une nouvelle vision de la société que la droite veut promouvoir. Une société fondée sur le renoncement, la concurrence et la marchandisation, aux antipodes de notre volonté de mettre au plan de nos préoccupations l’égalité, l’émancipation et « l’humain d’abord ».

 

CHANTELOT pierre, responsable commission enseignement supérieur et recherche

DASPE Francis, responsable commission éducation

 

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