Enseignement supérieur, Recherche : agir pour une autre loi

Le 22 mai sera présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Le parcours balisé et confiné, appelé Assises dans lequel la commu­nauté scientifique a tenté de s’impliquer était une consultation de pure forme. D’ores et déjà ce projet suscite inquiétude et refus. Sa présentation au parlement en procédure d’urgence confirme le déficit démocratique qui a présidé à l’élaboration de cette loi.

Elle était pourtant attendue : les politiques menées notamment pendant cinq ans de sarkozysme ont dévasté le paysage universitaire et scientifique et le service public. Depuis un an, les mesures urgentes nécessaires, en termes d’emploi et de financement, n’ont pas été prises.

 

Une logique inchangée

Le projet de loi poursuit et sur de nombreux points aggrave les dispositions de la loi LRU. Il maintient les Responsabilités et Compétences Élargies que de nombreux prési­dents d’université refusent. Il maintient, en les aggravant, les dispositions du Pacte pour la Recherche.

L’explosion catastrophique du financement sur projet n’est aucunement remise en cause. L’ANR n’est même pas mentionnée dans le projet de loi. Il n’y a aucune perspective de transfert budgétaire vers les crédits des établissements et encore moins de possibilités de transformer des CDD en emplois titulaires. La compétition, avec la précarité massive qui l’accompagne, reste le modèle de fonctionnement du secteur, une compétition souvent réduite à la chasse aux miettes. De même, le principe des appels d’offres dans le cadre du grand emprunt n’est pas modifié, une partie importante des budgets reste donc sous la coupe d’une structure technocratique dépendant directement du premier ministre et échappe aussi bien au ministère de l’ESR qu’au contrôle parlementaire. Enfin, le scandale financier du crédit impôt recherche perdure avec même un accroissement sous la forme du crédit innovation : le gouvernement continue à distribuer l’équivalent de plusieurs fois le budget total du CNRS à des entreprises qui ne développent pas leur recherche quand elles ne la liquident pas.

En incluant le transfert technologique comme mission ultime du système univer-sitaire et de recherche public, le projet de loi consacre une vision d’asservissement de l’activité de recherche au profit. Il s’inscrit dans la vision à court-terme des activités financières et spéculatives qui ronge la planète. Il est conforme à la logique du « pacte de compétitivité » qui répond aux exigences du MEDEF et de la Table Ronde Européenne des Entrepreneurs. Il traduit en contraintes budgétaires nouvelles les traités européens jumeaux que sont le MES et le TSCG.

Dans le domaine de la gouvernance, les retouches apportées sont loin de mettre fin à la présidentialisation outrancière. Elles sont fort éloignées des attentes de la communauté universitaire et scientifique en matière de démocratie et de collégialité. La modification du mode d’élection du conseil d’administration, le regroupement du conseil scientifique et du CEVU dans un conseil académique s’accompagnent d’une mesure plus lourde de sens : les membres nommés au CA participeraient à l’élection du président, un recul majeur de la démocratie universitaire que la droite n’avait pas osé mettre en place !

 

Ce  projet s’inscrit donc totalement dans la continuité du processus de Bologne initié en 1999 et qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation contradictoire. Il reprend la « stratégie de Lisbonne » dont l’objectif affiché était de réaliser dans l’Union Européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde » et dont les objectifs ont été revus à la baisse à chaque occasion, notamment dans le dernier budget de la recherche de l’UE.

 

Une dangereuse cohérence

 La création des « communautés d’universités » aux prérogatives élargies ne s’accompagne d’aucune garantie du caractère démocratique de leurs instances diri-geantes. Elle risque d’enfermer les établissements universitaires dans la logique du « qui paie décide » en organisant un tête-à-tête entre exécutifs universitaires et régionaux, menaçant ainsi gravement la cohérence nationale des formations supérieures.

Ainsi, ce projet de loi participe de la logique de décentralisation qui vise à mettre en concurrence les territoires dans une perspective de désengagement financier de l’État et de gestion technocratique non démocratique.

De même, son manque d’ambition en matière de développement des formations supé­rieures, de lutte contre les inégalités sociales et culturelles à l’œuvre dans l’enseignement supérieur, d’élévation des qualifications et d’appropriation de connaissances par le plus grand nombre, prolonge le choix, porté par la loi de «Refondation de l’École», d’un «socle commun » de connaissances étriqué, sans ambition culturelle et scientifique à la hauteur des nécessités et des possibilités ouvertes par le développement de la recherche dans notre pays.

 

C’est bien le service public qui est mis en cause, au travers d’une politique d’austérité qui ne dit pas son nom mais qui montre ses effets !

Une autre orientation pour la recherche et l’enseignement supérieur !

Plus que jamais, sont indispensables le déploiement des connaissances et leur appro­priation collective dans tous les champs de la recherche, ainsi que des coopérations mutuel­lement productives et avantageuses entre les divers secteurs de la vie sociale et économique et les laboratoires et équipes de recherche publics. L’indépendance intellectuelle constitutive de l’activité de recherche doit être garantie.

Plus que jamais, l’enseignement supérieur doit permettre la formation de toutes et tous jusqu’au niveau que chacun souhaite atteindre, sans limitation financière, sociale ou cultu-relle, et contribuer à l’épanouissement personnel, professionnel et citoyen de chacun et de l’ensemble de la société.

Plus que jamais la démocratie doit constituer le principe efficace du fonctionnement et du développement de l’ESR, le débat contradictoire, le pluralisme de la pensée, la collégialité et la participation de tous doivent être les leviers d’une nouvelle orientation, progressiste, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

 

C’est l’affaire de tous !

 

Le Front de Gauche vous invite à construire avec lui, sans attendre, les éléments incontournables pour une politique de gauche dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche, indissociable d’une refondation du contrat social sur lequel est édifiée la démocratie française.

Construisons ensemble le Front de Gauche de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Engagé-e-s dans le Front de Gauche, travailleurs scientifiques de toutes les catégories professionnelles, acteurs de tous les champs disciplinaires, nous voulons construire un large rassemblement autour de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela suppose votre contribution et votre engagement.
Comme vous, nous sommes scandalisé(e)s par le déferlement des contre-réformes qui se sont abattues au pas de charge sur l’enseignement supérieur et la recherche durant  le mandat de Nicolas Sarkozy.
Le service public national de l’enseignement supérieur et de la recherche doit faire face à de nouveaux défis sociaux et environnementaux; les relever suppose de permettre à l’ensemble des citoyennes et citoyens, par la formation initiale ou permanente, d’accéder au plus haut niveau de la connaissance.
Cela suppose aussi la coopération la plus large entre potentiels nationaux, européens et mondiaux. C’est ainsi que le printemps arabe met au premier plan des urgences la coopération universitaire, scientifique et technologique avec les pays du Sud, en lieu et place de ventes d’armes ou de modèles de formation clefs en main.
Devant la crise écologique, résultat d’un système boulimique de profits et prédateur des ressources naturelles, il faut choisir des trajectoires nouvelles en matière énergétique et environnementale comme des choix nouveaux relatifs à un  mode de production devenu insoutenable. Après Durban, chaque pays est mis en demeure d’agir contre le désastre du réchauffement climatique. L’enseignement supérieur et la recherche doivent y apporter leur contribution.
Nous voulons contribuer à créer les conditions de l’épanouissement des capacités créatrices de chacun en construisant d’autres référentiels que ceux des modèles productivistes prévalant jusqu’à aujourd’hui.  Cela suppose un fort développement démocratique de productions et d’ingénieries industrielles, technologiques, écologiques et organisationnelles en interaction avec la recherche, où prévale la logique de service public.
Le droit de tous à pouvoir intervenir sur les choix de stratégies scientifiques, en s’appuyant sur la connaissance documentée et partagée des enjeux techniques, industriels et socio-environnementaux doit être inscrit dans la constitution et garanti  par des instances appropriées.
La politique de N Sarkozy tourne le dos à cette vision d’avenir.
Jamais  le potentiel universitaire n’a été ainsi saccagé sous le prétexte mystificateur d’une « excellence » qui n’avoue pas ses véritables critères.
Jamais les organismes de recherche publique, n’ont subi de tels assauts. En tant que grand organisme public de recherche généraliste, le CNRS, est le symbole de cet attentat au potentiel de recherche publique.
Avec cette politique, l’asservissement à l’économie libérale, aux grands groupes et à leurs actionnaires est devenue la règle ; jamais  l’indépendance intellectuelle des métiers de la recherche n’avait été autant compromise. La connaissance n’est pas une marchandise.
Pas davantage que vous, nous n’acceptons  que nos métiers soient livrés aux affairistes ; pas davantage que vous, nous n’acceptons le credo de la précarisation, la xénophobie, la démocratie mise au pas, les régressions des droits des femmes déjà trop fragiles et timides, l’évaluation par les pairs saccagée et mise à la sauce des agences de notation, une collégialité raturée.
Nous le proclamons  avec vous : la logique managériale ne peut être le mode d’existence de l’enseignement supérieur et de la recherche ; avec elle, nos métiers perdent tout sens, nous ne l’acceptons pas.
Mais ce déferlement   n’est pas isolé ; il puise ses fondements dans les dogmes et prophéties auto réalisatrices des Traité de Lisbonne, dans la stratégie de Bologne, et autres dogmes de l’OMC… De tout cela, nous pouvons, nous devons sortir.
Aujourd’hui, vous en faites le constat comme nous : les choix politiques mis en œuvre ont apporté partout colère et révolte mais aussi démoralisation, temps perdu, gâchis de compétences et aliénation.
Pour le Front de Gauche, une rupture avec cette politique de mise en concurrence de tous contre tous est vitale. C’est la condition de la mise en œuvre d’une autre politique
Nous faisons nôtres ces mots du Manifeste des intellectuels de Guadeloupe :
« Lier, allier, relayer, rallier  »
Une autre politique marquée par des choix de gauche est possible ; elle ne l’est qu’avec vous. Le Front de Gauche avance des propositions, contenues dans le programme « L’humain d’abord ». Ces propositions sont soumises à débat, critique, enrichissement et approfondissement.
Ensemble, faisons  sauter les étouffoirs d’avenir que sont les IDEX, la LRU, et autres AERES. Le Pacte pour la Recherche doit être abandonné,  l’ANR profondément transformée.
Ensemble, donnons du punch à la gauche; elle en a besoin.
Résistons, débattons, construisons ! Avec toutes celles et ceux déjà dans l’action, rendons impossible tout nouveau pas en avant de cette politique.
Ensemble, construisons  des choix neufs, de gauche, rendons-les incontournables. Rejoignez-nous.

Pour les étudiants, c’est aussi l’austérité!

Alors que la crise de la dette souveraine secoue l’ensemble de l’Europe, le gouvernement Sarkozy est l’un des promoteurs européen de la course folle à l’austérité sous couvert de « rassurer » les marchés financiers. Chaque jour égrène son lot de mesures, injustes et économiquement inefficaces, génératrices de chômage, de précarité ou de pression salariale, au détriment des services publics et des solidarités…D’autres choix sont possibles pour mettre un terme à la sape des solidarités et revenir sur la destruction de l’emploi public considéré comme variable d’ajustement, notamment dans l’Éducation (près de 70 000 suppressions de postes en quatre ans, destruction en règle de la formation des enseignants).

Pour l’émancipation humaine, faisons le pari de l’éducation et du partage des savoirs
Non, Sarkozy n’a pas réussi à l’université. Dans l’enseignement supérieur et la recherche c’est aussi l’échec. Le coût des études augmente alors que la précarité étudiante se développe. Sarkozy a stoppé le long mouvement de démocratisation de l’enseignement. Le temps des promesses passées, c’est l’heure du « pain noir » pour l’université. Avec la LRU et le Grand Emprunt les savoirs, les labos,les Universités et les chercheurs deviennent des marchandises.

Pour les étudiants, c’est aussi l’austérité.

Cette année encore, le coût de la rentrée a augmenté (+ 4,10%) venant amputer le pouvoir d’achat des étudiants déjà bien bas. Plus de 100 000 étudiants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2010. L’augmentation de 4,10 % des dépenses obligatoires décidées par le Gouvernement (frais d’inscription, tickets RU, cotisations sociales…) va encore développer la paupérisation en milieu étudiant.

Pour faire bonne figure, le ministre Wauquiez lance le « passeport logement étudiant » qui fera la part belle au logement privé. Puis, sous la pression des syndicats étudiants, il a enfin lâché le dixième mois de bourse promis par Sarkozy depuis 2008.

Autant dire que cela sera « une goutte d’eau dans la galère financière » des étudiants et de leur famille.

Un coup d’arrêt à la démocratisation !

Pour financer leurs études, plus d’un étudiant sur deux (Observatoire de la Vie étudiante) doit rechercher un job alimentaire. Dans ces conditions, réussir ses études dépend de plus en plus de son origine sociale et les étudiants issus des classes moyennes et modestes sont hélas de moins en moins nombreux à poursuivre des études supérieures. Depuis 2006, ils sont 9,1% moins nombreux, dont 70 000 enfants d’ouvriers,  à ne plus fréquenter l’université.
La réforme de l’IUFM, avec la masteurisation, pour accéder au métier d’enseignant en 5 ans n’a fait qu’aggraver la situation. La démocratisation de l’enseignement supérieur vient donc de connaître un recul historique et irresponsable au moment où la France a besoin de jeunes diplômés. Alors créer les conditions d’une libération des droits d’inscription est une folie.

Les budgets de Sarkozy, c’est pas du gâteau , c’est du pain noir!

Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche devait croitre de 1,8 Mds d’euros par an, avait promis Sarkozy en 2007, soit 9 Mds d’euros. La Ministre Pécresse a claironné« engagement tenu » au début  de cette année. La réalité est toute autre!Les passe-passe budgétaires dévoilés, les crédits de 2011 sont équivalents à ceux de 2007, sans tenir compte de l’inflation! Donc en baisse!
Enfin, les crédits récurrents des labos, dont le CNRS, sont en baisse de 11% en moyenne.
Par contre, c’est Byzance pour la recherche privée. Le crédit Impôt Recherche (CIR) a été multiplié par 10 et atteindra en 2012 près de 5 Mds ( soit un peu plus de 80 000 postes de chercheurs) alors que l’Inspection Générale de s Finances doute de son efficacité. Dans le même temps, la précarité de l’emploi et des statuts n’a cessé de se développer à l’Université. Effet de la LRU et des responsabilités et compétences élargies (RCE), certaines universités font même déjà face à des déséquilibres financiers et doivent boucher des trous. A quand les premiers défauts de paiement?

Les investissements d’avenir, mettent l’Université sous la coupe de la marchandisation et de la mondialisation libérale.
Le classement de Shanghaï a été une fois de plus l’occasion de mesurer la bêtise de ses critères puis de vérifier qu’il était surtout l’alibi destiné à mettre en concurrence les Universités et les labos à l’échelle mondiale. Le classement dont le Gouvernement ne parle pas, est celui qui situe la France dans les derniers rangs de l’OCDE pour la part de richesse consacrée à la recherche et qui fait que la France, 3ème puissance scientifique mondiale aux début des années 80, est au-delà de la 15ème place aujourd’hui.
Le Protocole de Bologne et la fameuse « économie de la connaissance », contenue dans la stratégie de Lisbonne, ont accouché en France de la LRU et du Grand Emprunt.
La LRU a fait des Universités des entités « autonomes » et concurrentes à l’échelle mondiale pendant que le Grand Emprunt lui, avec les intérêts virtuels de capitaux placés, redessine la carte universitaire française regroupant et fusionnant les universités pour en faire des marques mondiales de la « connaissance ».
Une carte à deux vitesses se dessine. Une petite dizaine de « Campus d’excellence » concentrant formations, labos et fonds publics et privés, installés dans quelques grandes métropoles françaises, puis des universités de seconde zone devenant au fil du temps des établissements diplômant au niveau L et proposant des formations supérieures professionalisantes. Le dernier étage de cet édifice libéral étant la publication du décret Licence cet été.

JLM à Grenoble:

« Ne touchez pas à nos gosses, laissez cette lumière pouvoir continuer à éclairer demain. Il faut faire reculer l’ignorance, c’est le savoir qui libère l’humanité, les femmes et les hommes et qui permet, se rendant meilleur pour soi, d’être meilleur pour les autres. Le savoir, bien précieux qui s ‘élargit et s’amplifie à mesure qu’on le partage, seule richesse qui augmente quand on en donne aux autres! «

Des solutions existent:
Nous abrogerons la loi LRU et le « Pacte pour la recherche»;
Nous agirons pour soustraire les services publics de recherche et d’enseignement supérieur au champ de négociation de l’OMC;
Nous mettrons en chantier une nouvelle loi qui s’appuiera sur les travaux d’Assises de l’Université et nous rétabliront le dialogue social avec l’ensemble de la communauté universitaire dans le respect des institutions;
Nous rétablirons le CNRS, comme l’INSERM, dans leur vocation de pôles publics de la recherche;
Nous abandonnerons les outils de discrimination, qu’auront été les « initiatives d’excellence » (IDEX) ou « les laboratoires d’excellence » (LABEX),;
Nous lancerons un plan titularisation et de rattrapage de l’emploi pour stopper la précarité à l’université et dans la recherche;
Nous porterons l’effort budgétaire public à 12 000 euros par an et par étudiant-e;
Nous lancerons la constructions de 5.000 chambres universitaires et 7.000 réhabilitations par an pendant dix ans
Nous doublerons le budget public de la recherche sur la législature;
Nous réorienterons les financements de la recherche pour permettre un financement stable et récurrent des laboratoires et des équipes à hauteur de 70 %;
Nous transformerons l’ANR en FPSE (Fonds Public de Soutien aux Projets Émergents) intervenant sur les projets « blancs »;