Un projet de loi politique pour l’ESR dans l’objectif d’Horizon 2020

La logique néo-libérale considère désormais que le « capital connaissance » atteint à ce jour par l’Humanité est suffisant pour satisfaire à ses besoins de consommation. Il est donc temps de rentabiliser les investissements passés et à venir. Ainsi s’est ouvert l’ère du tout rentable, du tout brevetable, y compris du vivant. Les sciences humaines et sociales sont les premières à subir cette évolution du paradigme de l’ESR.

Le projet de loi pour l’ESR du gouvernement de F. Hollande, dont nous ne connaissons toujours pas la version finale, est un projet de loi politique dans la continuité de ce qu’étaient la loi relative aux libertés et responsabilités des universités LRU, les Responsabilités et Compétences. Élargies (RCE) et le pacte pour la recherche. Ce projet de loi s’inscrit dans la logique du processus de Bologne initié en 1999 sous le gouvernement de Jospin et a pour but d’atteindre les objectifs fixés par l’UE dans le document « horizon 2020 ».

30 ans ! C’est ce que prendrait la transformation de l’ESR en un produit au service du marché néo-libéral si nous laissons faire ce travail de destruction orchestré par les gouvernements qui se succèdent depuis 1999.

Horizon 2020 est un programme de financement de la recherche et de l’innovation de l’Union Européenne, le troisième plus important en termes de ressources financières puisqu’il prévoit un investissement de 80 milliards sur la période 2014-2020. Il a la volonté d’inculquer: «une nouvelle vision de la recherche et de l’innovation en Europe nécessaire en ces temps de profonds changements économiques. Il stimule directement l’économie et préserve notre base scientifique et technologique et notre compétitivité industrielle pour le futur, avec la promesse d’une société plus intelligente, plus durable et plus inclusive.»

Plus que jamais, il s’attache à transformer les découvertes scientifiques en produits et services innovants qui créent des débouchés commerciaux.

Une fois ces éléments mis en perspective, la lecture du pré-projet de loi montre en quoi il s’inscrit dans une logique plus globale de destruction du service publique de l’ESR. De même, l’innovation comme maître mot à la mode est rabachée sans cesse pour justifier la politique gouvernementale en matière de recherche. Comme si cette dernière ne pouvait se faire sans innovation. Elle est instrumentalisée comme une arme économique dans un système économique qui est désormais mondialisé.

Le gouvernement poursuit sur l’œuvre de son prédécesseur, il n’y a donc pas de rupture et ce n’est que l’application de la politique l’austérité mise en place par le MES et le TSCG.

Depuis l’entrée en vigueur du MES en juillet dernier et de la ratification du traité intergouvernemental « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union » (TSCG ou Pacte budgétaire), la France est prise dans la tenaille austéritaire européenne. Rappelons que le MES fut ratifié en France en février 2012 suite à l’abstention majoritaire des socialistes à l’assemblée (130 voix dont celle de François Hollande et d’Arnaud Montebourg). Qui ratifie le MES s’engage de facto pour le « pacte budgétaire » conduisant à la super-austérité. Ce TSCG vise à imposer une « règle d’or » budgétaire. Désormais, les pays signataires s’engagent à durcir les dispositions budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance (1997). Leur déficit ne devra « pas dépasser 0,5% du PIB » (article 3.1.b). Quant à leur dette publique, elle devra être contenue dans la limite des 60% de leur PIB. De plus, les États réaffirment leur engagement à « réduire d’un vingtième par an la différence entre leur dette publique et le seuil de 60%. Pour la France, dont la dette publique est de 87%, ce sont 26 milliards d’euros qu’il faudrait rogner ! ».

La règle d’or est donc l’austérité.

Avant vote par le Parlement, le budget de l’ESR avait été présenté stable en valeur et d’un montant de 25,64 Milliards d’€, en hausse de 2,2 % par rapport au budget 2012, lui-même en recul par rapport à 2011 – soit à peine plus que l’inflation.

Mais ce budget était déjà bien trop peu ambitieux pour effacer les dégâts déjà occasionnés à l’ESR par le précédent gouvernement. Car sans réel réengagement de l’État, le nombre d’établissements en déficit continue d’augmenter, la vingtaine est désormais dépassée..

Alors que 3.000 emplois ont été supprimés entre 2008 et 2012, et que 1.500 postes sont actuellement gelés, les conditions de travail des personnels et des étudiants se dégradent, , affaiblissant les potentiels de recherche et de formation. Des TD se font à 50 étudiants, des heures supplémentaires sont imposées, des formations habilitées ne peuvent ouvrir faute d’enseignant et els arrêts maladies des personnels administratifs et enseignants se multiplient. Le burnn-out n’est plus loin.

Acollé à ce budget ne concrétisant toujours pas l’objectif des 3% du PIB pour le budget  public de l’ESR, le pré-projet de loi issu d’assises territoriales globalement boudées car leur fonctionnement était biaisé dés le départ, est flou sur les détails, mais pas sur ses principes : comme l’extension des missions des universités au transfert technologique avec la dimension de la compétitivité. Il s’agit bien là d’une vraie loi politique et non pas technique.

De plus, il n’y a aucune programmation pluriannuelle des recrutements et des financements dans tous les domaines de l’ESR dans le projet de loi. Une stratégie nationale de l’ESR, accompagnée de moyens récurrents à la hauteur des besoins, doit être inscrite dans la loi et se substituer à la politique actuelle, essentiellement fondée sur des appels à projets ce qui provoque la concurrence entre équipes sur des critères de rentabilité économique et non pas une saine émulation scientifique.

La régionalisation rentrerait elle aussi dans ce projet de loi au travers de la décision de regrouper les Établissements en une trentaine de Communautés d’Universités pluridisciplinaires, à l’instar de Strasbourg, Aix-Marseille ou Lorraine (les PRES seraient abrogés). Chaque communauté d’université aurait le statut d’EPCSCP et serait hiérarchiquement organisée avec, en son centre, les établissements qui deviendraient des composantes, puis les établissements intégrés (grandes écoles…) et enfin, les établissements rattachés (établissements privés, consulaires et instituts confessionnels). Le pacte pour la recherche évoluerait donc par la recomposition des PRES en EPCSCP pouvant s’appeler « Université » est à ce titre collecter les grades alors que cette dernière rassemble établissements publics et privés. La confusion public-privé est entretenue sciemment.

Cette structure reproduirait celle des établissements avec son CA élargi et son conseil académique (fusion du Conseil des Études et de la Vie Universitaire avec le Conseil Scientifique). La fonction des Communautés d’universités serait de définir la politique de recherche et de formation régionale dans le cadre d’un contrat d’objectifs, de moyens et de répartition tripartite État-Région-Grande Université. L’entrée des régions répond à une revendication de ces dernières consécutive à un soutien financier croissant envers les établissements du supérieur, compensant le désengagement de l’État mais sans contrepartie.

Ces communautés d’universités seront donc porteuses d’une politique de formation et de recherche et auront la capacité de recruter des enseignants et des chercheurs et seront dépositaires de la masse salariale. Ce qui ne va pas dans le sens d’un droit à mutation sur tout le territoire du fonctionnaire d’état, garant de la libre circulation de l’enseignant et du chercheur.

Obnubilé par la compétitivité et l’excellence, le gouvernement préfère donc rapprocher encore plus le fonctionnement de nos universités de celui des universités anglo-saxonnes, perdant ainsi l’occasion de rassembler la communauté universitaire autour des besoins sociaux pour renforcer son caractère de service public fondé sur le modèle républicain.

Pour le Parti de Gauche, il est donc plus que temps de refermer définitivement la parenthèse ouverte par la LRU, qui a dégradé les conditions de travail des personnels et des étudiants et conduit nos universités à la faillite. Au lieu de cela, le gouvernement s’engouffre dans la brèche ouverte par la loi Pécresse en préparant la régionalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Déplorant ce choix, le Parti de Gauche invite l’ensemble des citoyens à s’emparer de cette question, dans le cadre des ateliers législatifs du Front de Gauche, pour construire un projet faisant de l’enseignement supérieur et de la recherche un bien commun du peuple et non une arme pour la guerre économique que le système néo-libérale tente de nous imposer.

Chantelot Pierre

 

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