Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’enseignement supérieur


Monsieur le Ministre,
Vous ne me connaissez évidemment pas, je suis un étudiant en droit, parmi tant d’autres, inscrit à l’université de Reims. Cette année, je bénéficie d’un échange Erasmus à l’université d’Aberdeen en Écosse.

J’ai choisi de quitter mon pays pour en découvrir un autre. Apprendre une nouvelle langue, une nouvelle culture, un nouveau système juridique pour enrichir mes connaissances, ma vie, mais aussi mon pays.

J’ai laissé derrière moi mes amis, ma famille, mon passé. J’ai rencontré de nouveaux amis, une nouvelle université, un nouveau monde. J’ai gardé en moi l’envie de servir mon pays, d’apporter tout ce que j’apprends aujourd’hui à ma patrie, à l’intérêt général de mon peuple, à notre destinée collective.

Je suis donc un étudiant français à l’étranger. Normalement, être français suffit à ne jamais se sentir seul où que l’on soit dans le monde. Et pourtant, en revenant à Noël retrouver ma famille, je découvre une lettre m’annonçant que, faute de moyens, la bourse de mobilité de 400 euros mensuels promise ne sera pas versée par mon Comité régional des œuvres universitaires et sociales (CROUS). Sur le premier semestre, s’écoulant de septembre à janvier, je ne toucherai donc qu’une seule mensualité au lieu de quatre. Et cette jolie lettre administrative du CROUS a la politesse de me laisser dans l’incertitude pour l’avenir.
Dans le doute, j’ai été vérifier le site de votre ministère ainsi que service-public.fr. Les deux confirment, à ma grande surprise, tant l’existence que le montant mensuel de 400 euros pour cette bourse de mobilité que chaque étudiant boursier a le droit de toucher pour l’année universitaire 2011-2012.

Je suis parti, comme des milliers d’étudiants boursiers, pour diversifier mes connaissances, apporter une plus-value – pour utiliser une notion qui vous est chère – personnelle et collective à mon pays. J’ai cru qu’en forçant, en travaillant, en me donnant à fond, l’ascenseur social pourrait enfin fonctionner à nouveau et pas seulement pour moi. J’ai cru que travailler plus nous permettrait de gagner plus, que ce soit matériellement ou intellectuellement.

Dans notre patrie non holiste qui fait du contrat républicain le socle de la paix sociale et de l’écriture d’un avenir commun, je me retrouve trahi, abandonné, seul et perdu. Une France, votre France, notre France, ma France semblent m’avoir oublié, semblent avoir perdu de vue tous ces jeunes étudiants qui partent au service de la nation à l’étranger.

À longueur de journée, nous pouvons lire que notre niveau d’anglais est déplorable, que notre connaissance du monde extérieur est nulle et qu’il en coûte beaucoup au commerce et à la compétitivité de notre pays. Je fais partie de ceux qui se sont engagés à y remédier. Mais, de votre côté, respectez vos engagements. Aidez-nous à prendre notre part à l’écriture d’un roman national plus riche, plus partagé et plus grand.

Aidez-nous en respectant la loi et ses décrets d’application. Un contrat, non seulement juridique mais moral, nous lie. Vous avez le devoir de ne pas nous laisser seuls. Il est encore temps pour que vous ne fassiez pas défaut à votre devoir. Il est encore temps pour que vous n’abandonniez pas à l’étranger des milliers de jeunes des classes populaires qui sont partis avec amour pour leur pays, mais qui pourraient revenir avec un regard moins bienveillant sur notre vielle nation.

Je sais que votre gouvernement ne semble pas aimer l’étranger. La politique de votre collègue du ministère de l’Intérieur ne constitue pas un geste d’amour envers le monde extérieur. Sans vouloir voir le mal, ce qui bien entendu serait étonnant dans un gouvernement qui semble avoir mis tant d’effort ces dernières années à œuvrer en faveur de la réconciliation et de la promotion de justice sociale, j’éprouve la vague sensation que cela vous effraie que nous connaissions d’autres cultures…

Pourtant, croyez-moi, je n’ai jamais autant aimé la France depuis que j’ai vu l’étranger. J’aime mon pays, car aujourd’hui je peux le voir avec des yeux pleinement ouverts.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de respecter le contrat républicain qui nous lie. Votre ministère, sous votre impulsion personnelle dit-on, nous a promis une bourse de mobilité. Versez-nous là. Ne nous abandonnez pas. Nous nous sentirons alors que plus forts et plus fiers de tenir notre engagement envers notre pays : Continuer à participer à sa construction en y engageant toute notre force, toute notre énergie et en portant sur nos lèvres un sourire confiant pour l’avenir.

Veuillez agréer, monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations républicaines.

Simon Ulrich

Etudiant en licence de droit et membre titulaire du conseil de gestion de l’UFR Droit Reims.

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